La procédure de révision de la Constitution est organisée par l’article 195 de cette même Constitution. En substance, l’article 195 dispose qu’aucune modification d’un article n’est autorisée si celui-ci n’a pas été explicitement désigné par les parlementaires dans le courant de la législature précédente.
L’accord institutionnel auquel seraient parvenus les huit partis traditionnels postule la révision de certains articles de la Constitution que la législature 2007-2010 n’avait cependant pas désignés comme soumis à une prochaine révision. Ainsi la future coalition se proposerait-elle de passer outre, en s’autorisant de déroger « exceptionnellement » à l’article 195.
A nos yeux, comme aux yeux de n’importe quel juriste rigoureux et démocrate, il s’agirait là de rien de moins qu’un viol de la Constitution.
Après avoir échangé des droits et des principes contre de l’argent, les négociateurs francophones vont-ils accepter de renoncer au prescrit « incontournable et sacré », celui du respect d’une Constitution à laquelle ils ont prêté serment ?
L’Etat belge et sa classe politique seraient donc encore plus malades qu’on pourrait le penser. Dans une ultime tentative de prolonger un pays moribond, on se préparerait à mettre entre parenthèses un article essentiel de la Constitution, c’est-à-dire la Loi fondamentale. Or, celle-ci est l’une des garanties majeures de fonctionnement de la démocratie, des libertés, de l’Etat de droit.
Ce qui est surprenant, c’est que certains acquiescent. Ce qui est stupéfiant, c’est l’absence de réserves et de scrupules manifestée par l’éminent constitutionnaliste liégeois Christian Behrendt (voir son interview dans La Libre du 5 novembre 2011). nouveau chéri des médias, M. Behrendt est curieusement devenu le successeur des Uyttendaele et Delpérée dans le service du pouvoir? Jusqu’à présent, M. Behrendt nous avait plutôt habitués à une indépendance certaine et à une rigueur scientifique et juridique de haut niveau.
Conseiller des puissants du jour, le voici qui semble se laisser aller à privilégier une cause politico-partisane et circonstancielle, à rebours de la défense inconditionnelle de la norme constitutionnelle. Se ressaisira-t-il pour rappeler leur devoir aux parlementaires juristes qui soutiennent la coalition ?
Nous attendons avec impatience les justifications qu’ils donneront le jour où ils seront contraints, par leur parti, de participer à une opération que rien ne justifie sur le plan des principes.
Article de Paul-Henry Gendebien, coprésident du R.W.F.