Maddens et Bauwens : « La véritable raison de l’enquête auprès des citoyens est la peur des élections. » – 27/04/2022 . Article de David Geens publié dans la revue Doorbraak.
L’article évoque la consultation de la population par le gouvernement fédéral sur la structure de l’État belge en 2024 [ndlr : ce questionnaire est relativement complexe, mieux vaut avoir réussi un Master pour le remplir].
Un avenir pour notre pays ?
À quoi devrait ressembler la structure de notre futur État et quel rôle les citoyens devraient-ils y jouer ? Le gouvernement fédéral veut prendre en compte les opinions et les idées des citoyens avant d’aborder les thèmes importants d’une future réforme de l’État. C’est pourquoi le gouvernement lance une vaste enquête auprès des citoyens sur une éventuelle réforme du pays et sur le fonctionnement de la démocratie. M. Bauwens, rédacteur en chef de la revue Doorbraak, a assisté à la conférence de presse présentant l’enquête citoyenne et note que l’initiative a un fort contenu volontariste. Il a remarqué la fréquence à laquelle le mot « connexion » a été mentionné. L’enquête citoyenne semble être une initiative positive, mais la question reste de savoir ce que le gouvernement fera réellement des résultats de cette enquête. Les cartes sont sur la table depuis longtemps et les thèmes de l’enquête auprès des citoyens ont déjà été largement discutés. Le seul problème est que les politiciens n’osent pas ou ne veulent pas choisir. La participation des citoyens ne changera pas l’impasse politique sur ces questions, affirme M. Bauwens.
Si les électeurs avaient voté pour des partis de gauche et centristes ces dernières années, il ne serait pas question de cette enquête citoyenne.
Groen et Ecolo croient particulièrement au pouvoir de l’enquête citoyenne. Le professeur de la KUL Bart Maddens se demande si les Verts soutiendraient encore cette participation citoyenne s’ils avaient obtenu 44% aux élections de 2019. Probablement non, ils auraient alors tiré la carte d’une politique climatique radicale. Mais lorsque les nationalistes flamands obtiennent 44%, on dit que les citoyens n’étaient peut-être pas conscients de l’aspect favorable aux Flamands, dit Maddens [ndr : qu’ils auraient voté pour la N-VA et le Belang en méconnaissance de cause]. La véritable raison de cette enquête citoyenne est l’aversion pour les élections. Si les électeurs avaient voté pour des partis de gauche et centristes ces dernières années, il ne serait pas question de cette enquête citoyenne. De plus, les panels de citoyens sont faciles à manipuler et à diriger, estime M. Maddens.
Saper la démocratie
Tous les cinq ans, nous nous rendons aux urnes pour élire nos représentants. Ces futurs représentants du peuple sont tous inscrits sur la liste d’un parti politique dont on connaît la position sur un large éventail de questions. Alors pourquoi faut-il maintenant une enquête citoyenne sur la structure de l’État si les citoyens peuvent donner leur avis tous les cinq ans lors des élections ? Les partis en faveur de l’enquête font souvent valoir que les électeurs ne sont pas toujours au courant de toutes les positions des partis. Mais en fait, cette enquête citoyenne sape notre démocratie, affirme M. Bauwens. Cela donne l’impression que les élections ne jouent plus aucun rôle.
Propagande pro-belge
D’une manière très subtile, il s’agit de propagande pro-belge, pense Maddens. Le titre seul – un avenir pour ce pays – souligne le point de vue pro-belge. Vous êtes immédiatement placé dans une « camisole de force belge ». L’idée d’une Flandre indépendante ou du confédéralisme n’est pas discutée. D’autre part, un certain nombre de vaches sacrées du mouvement flamand sont mises en discussion. Il suffit de penser à la législation linguistique et à une circonscription fédérale. Le questionnaire oriente subtilement le citoyen dans une certaine direction.
Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)
Un « interrogatoire » aussi compliqué et insondable que la Belgique elle-même.
Avec l’humour comme guide, on peut toujours progresser.
Acta Sanctorum – 29/04/2022 – Johan Sanctorum (Doorbraak)
Beaucoup d’irritation au sujet de l’enquête en ligne que le gouvernement fédéral organise sous le nom de « Un pays pour l’avenir ». Sur ce que devrait être l’État belge et ses coteries régionales, le fonctionnement de notre démocratie, les compétences, la place du citoyen, etc… Et tout cela décliné en thèmes et en défis.
Après un long défilement de contextualisation, vous pouvez donner votre avis sur l’un des thèmes, et même l’expliquer. Le parrain et la mère du projet sont les ministres flamand et francophone de la réforme institutionnelle, Annelies Verlinden (CD&V) et David Clarinval (MR). Toute une équipe de spéculateurs, d’experts et même un véritable algorithme traiteront les résultats, les transmettront aux conseils et aux panels, jusqu’à ce que l’inévitable rapport final atterrisse sur le bureau des ministres concernés.
La chose n’a pas l’air particulièrement attrayante. En termes de présentation et de structure, l’enquête se rapproche davantage d’une déclaration fiscale ou d’une demande de subventions pour la rénovation d’un logement. Un calvaire à traverser le site », voilà ce que pense même le brave recteur de l’UGent, Rik Van de Walle..
D’autres sont plus stricts : un exercice d’altérité, un échantillon d’abracadabra à la rue de la Loi, un croisement monstrueux de fonctionnaires, de politologues et de spécialistes en informatique autistes. Quiconque remplit ce questionnaire jusqu’au bout est soit quelqu’un qui a du temps à perdre, soit un masochiste. Ou les deux.
La N-VA, par l’intermédiaire de Sander Loones, y voit un pur gaspillage d’argent (le projet est censé coûter 2,1 millions) et une campagne de relations publiques purement cosmétique pour le gouvernement Vivaldi en place. Bart Maddens et Pieter Bauwens, rédacteur en chef de Doorbraak, sont implacables : Une propagande belgiciste, disent-ils, suscitée par la peur des élections.
Comme un labyrinthe
Tout est vrai. Pourtant, toutes ces critiques acerbes passent à côté de l’essentiel : ce sondage n’est pas du tout un référendum, mais une œuvre d’art qui reflète la complexité de la Belgique elle-même. Il faut donc l’interpréter, l’expliquer, le contextualiser. L’architecture web post-Kafkaïenne de demain-toekomst-zukunft.be surprend, déconcerte même les personnes ayant un diplôme universitaire, mais l’art moderne ne devrait-il pas prendre à la gorge ou puer, comme la machine à merde de Wim Delvoye ? Le problème n’est pas qu’il vous donne l’impression qu’une couche de béton a été versée dans votre estomac ; au contraire, nous devons continuer à nous habituer à l’idée que nous sommes nés dans un labyrinthe, et que nous y mourrons aussi.
L’ensemble du projet de participation des citoyens est également une blague, plus précisément une blague absurde qui devrait faire appel à notre sens de l’humour.
Bien alors. Le Pays du Futur prend ainsi forme via une forme web vertigineuse qui prouve exactement ce qu’elle veut nier : rien ne va plus. La Belgique est une construction qui date de1830 et qui a progressivement pris le caractère d’une ruine. Le pays ne fonctionne pas, mais c’est sa raison d’être, son essence. Afin de le rendre vivable, quelque chose d’assez unique a vu le jour : l’humour d’État. L’ensemble du projet de participation des citoyens est également une blague, plus précisément une blague absurde censée faire appel à notre sens de l’humour. Le gouvernement lui-même pratique l’absurde comme un discours, un style, un langage, qui doit combiner le complexe avec une forme de légèreté, de jeu. Le pays va en enfer, mais le surréalisme, l’esthétique du régime, montre que cette décomposition peut aussi se faire avec un sens de l’absurde et, oui, un sens de l’humour. Ceci n’est pas une pipe.
Une réalité transcendante
Ainsi, le site web ne fonctionne pas, l’enquête est une farce, comme le pays lui-même. Mais plus tout va mal, plus les Belges sont authentiques, c’est ainsi que le comprend le professeur Maddens. Il n’y a pas de gaffes, pas de dysfonctionnements dans ce cirque, c’est un véritable malentendu. Les plans « catastrophe » sont totalement impertinents dans un pays qui est lui-même une catastrophe. Encore une fois : ceci n’est pas une pipe. Lorsque la ministre Annelies Verlinden a brillé par son absence au moment où les citoyens se sont retrouvés dans l’eau de la Vesdre jusqu’au cou, tout en annulant rapidement la phase d’aide fédérale, elle a en fait démontré que la Belgique n’est pas là pour les Belges, ni pour les Wallons, encore moins pour les Flamands, mais uniquement pour son propre mysticisme incompris, incompréhensible et insaisissable.
La politique est la machinerie rituelle qui célèbre cette réalité transcendante. En ce sens, l’enquête Demain-toekomst-zukunft.be est un brillant reflet du labyrinthe belge, tout comme, par exemple, le Moniteur ou un Powerpoint de Sophie Wilmès. Que devez-vous faire avec l’enquête ? Remplissez-la. Vraiment. Avec les réponses les plus absurdes, les suggestions les plus insensées, les idées les plus comiques. Un peu comme les femmes qui ont commencé à découper leurs soutiens-gorge en masse pour en faire des masques buccaux et que Maggie De Block a fait monter le stock. Ceci n’est pas un soutien.
Les politiciens ne sont pas là pour vous, ni pour la communauté, mais pour prouver à quel point ce pays est compliqué, et combien ils y sont indispensables…
Les politiciens ne sont pas là pour vous, ni pour la communauté, mais pour prouver à quel point ce pays est compliqué, et combien ils y sont indispensables. Elle ne réduira pas d’un millimètre le fameux fossé entre les citoyens et la politique, car nous venons de vivre le vaudeville de Malines/Boortmeerbeek, où Bart Somers a cru pouvoir imposer une fusion dans le dos de tout le monde, jusqu’à ce qu’une véritable colère populaire envoie bouler les bourgmestres concernés. Annelies Verlinden ne doit pas faire mieux.
Deux moineaux morts
Mais en attendant, il y a la Barticipation. Bien entendu, cette enquête constitue un fourrage idéal pour les anti-belges, les séparatistes, les iconoclastes et les traîtres à la patrie. En 2024, le vrai sondage suivra, le seul qui compte. Je sais maintenant d’où les inventeurs du questionnaire ont tiré ce nom : en 1974, le chanteur flamand Jules de Corte, qui était devenu aveugle dans son enfance, a publié une chanson intitulée : « Le pays du futur ». Jules était un pessimiste notoire et cette chanson est également imprégnée de sarcasmes. La première strophe laisse encore un peu d’espoir :
J’ai lâché deux colombes, lui et elle.
En battant simplement des ailes
Ils auraient presque certainement, à mon avis
Trouver sans effort la bonne direction
Les pigeons disparaissent, après quoi il envoie un couple de corbeaux dans la deuxième strophe. Eux aussi ne reviennent pas de cette terre promise. Enfin, deux moineaux sont autorisés à essayer :
Les deux moineaux sont revenus, mais ne demandez pas comment.
Ils ont rendu l’âme dans ma main
Où diable sommes-nous en train de glisser
Quand même un oiseau ne peut pas y vivre
Jules devait savoir alors ce qui allait suivre. Annelies Verlinden, David Clarinval, Bart Somers, trop nombreux pour être cités, tentent tous de nous rendre heureux avec un moineau mort. Renvoyez-le à l’expéditeur. Pensez à Uilenspiegel.