Un événement qui n’est pas raconté n’a pas eu lieu.
(Hannah Arendt)
En septembre 1920, la Belgique et la France signaient un accord militaire « secret ». L’accord stipulait que la Belgique fournirait à la France un soutien militaire en cas de conflit défensif avec l’Allemagne. Même le roi Albert Ier n’aurait pas été au courant des faits. Cela reste à prouver : il était le chef des forces armées !
Le mouvement flamand de l’époque était un farouche opposant à cet accord. La résistance à ce projet prit le nom de « Los van Frankrijk » (détachement de la France).
Pour la raison principale que la France était une nation amie des Francophones et du mouvement wallon naissant. Et réciproquement. Mais le gouvernement belge lui-même resta frileux et tenta de freiner la concrétisation de cette alliance militaire avec la France. Le mouvement flamand en plein essor devait jouer dès les années vingt un rôle majeur dans ces réticences du pouvoir en place.
Cet accord de coopération militaire avait été signé en échange de l’abandon du contrôle direct des chemins de fer luxembourgeois par la France, un réseau vital pour assurer le transit des produits allemands correspondant aux dommages de guerre imposés par le Traité de Versailles en 1919. Rappelons que le Nord industriel de la France avait été complètement détruit par les Allemands, ce qui explique en partie l’importance des dommages de guerre, une attitude soutenue par la Belgique.
Le mouvement flamand, avec ses nombreuses associations d’anciens combattants dont beaucoup s’étaient révoltés contre l’Etat belge dans les tranchées de l’Yser voyait un grand danger dans cet accord militaire. L’influence française en Belgique allait encore s’accroître et il avançait comme argument spécieux que la Belgique allait devenir progressivement un protectorat français. Cette politique déboucha sur une lutte acharnée du mouvement flamand contre ce traité. Elle devait l’occuper plus d’une décennie.
L’utilité immédiate de ce traité militaire : en 1924, le non-paiement des réparations de guerre à temps, la non-livraison de matériel, etc., justifiaient le renforcement de l’occupation militaire. Aidée par l’armée belge, la France fut contrainte de réoccuper la Ruhr et la Rhénanie. La fin de l’occupation de la Ruhr interviendra en 1925 (un an d’occupation). Le retrait de la Rhénanie devait suivre en 1930.
A cette époque, l’Association flamande des anciens combattants (VOS) mena donc la campagne virulente « Los van Frankrijk. Elle pouvait compter sur le soutien de l’ensemble du mouvement flamand. Finalement, la Belgique redevint neutre en 1936 en dépit de la menace de guerre nazie devenue évidente comme le prouve la réoccupation de la Rhénanie par Hitler en février de la même année. Pour respecter la vérité historique, des socialistes wallons pacifistes avaient le même objectif que le mouvement flamand. Enfin, le Front populaire qui avait signé un accord avec l’Union soviétique effrayait une grande partie des élites belges.
Toujours est-il qu’en 1939 (invasion de la Pologne) le chef d’Etat-major Van Overstraeten ordonna aux gardes-frontières de laisser les barrières baissées pour empêcher les troupes françaises de monter en Wallonie et rappela à son armée l’ordre perpétuel de « repousser par la force toute unité étrangère de n’importe quelle nationalité (sic) qui foulerait le territoire belge ». Immédiatement, Edouard Daladier annonça à un général Gamelin déçu qu’il ne pourrait pas prendre la responsabilité de l’autoriser à pénétrer préventivement en Belgique, c’est-à-dire de violer la neutralité belge. Cette position aberrante plaçait l’Allemagne nazie et la France sur un strict pied d’égalité !
La nouvelle donne, la neutralité de la Belgique, poussa l’état-major français à poster des troupes passives à la frontière belge chargées d’intervenir en cas d’invasion nazie.
En résumé, il faut bien avouer que l’Etat belge a fait preuve d’une neutralité quasi maladive appuyée par le roi Léopold III et destinée à apaiser l’ogre nazi. Lorsque début janvier 40 le gouvernement belge obtient par hasard le plan d’invasion allemand qui prévoit de passer par son territoire pour conquérir la France, celle-ci lui propose, comme nous l’avons dit, d’envoyer préventivement ses armées stationnées à la frontière pour renforcer les troupes belges. La Belgique refuse une seconde fois cette proposition de bon sens et il faudra attendre l’invasion du 10 mai 1940 pour qu’elle autorise l’armée française à pénétrer sur le sol belge.
Trop tard ! le puissant fort d’Eben-Emaël tombe en quelques heures. Dans les premiers jours décisifs de l’invasion, les troupes françaises manqueront cruellement entre Sambre et Meuse. Et un boulevard s’offrira à l’aviation et aux chars allemands.
Influencés par le VNV, parti flamingant subsidié par les nazis dans les années 30 et qui compta jusqu’à cent mille membres, de nombreux régiments flamands et même une division entière se rendront sans combattre. Un exemple parmi d’autres : une partie de la population gantoise incitait les soldats flamands à rendre les armes. Ce comportement influencera en partie la décision prise par Léopold III de capituler le 28 mai. Il n’est pas question ici de parler de lâcheté de la part des Flamands mais de manque de conviction de nombre d’entre eux à défendre une Belgique honnie parce qu’il la jugeait trop « francophone » et qu’elle lui accordait trop peu d’autonomie. Dans leur esprit naïf, la victoire de l’Allemagne devait leur garantir l’indépendance.
Il faut relever ici le fait que les fameux chasseurs ardennais ont combattu sur le front de la Lys avec le plus grand courage. Au décompte final, le 27 mai, veille de la capitulation, le roi s’était retrouvé à la tête d’une armée principalement wallonne. En effet, la plupart des régiments wallons luttaient encore (même après la capitulation pour certains) mais les deux tiers des fantassins flamands n’étaient plus là, soit parce que leur unité avait été détruite, soit parce qu’ils étaient inaptes au combat, soit parce qu’ils s’étaient rendus massivement ou encore qu’ils ne tiraient plus tout en restant en ligne.
Reconnaissons toutefois que l’état-major français sous les ordres du général Gamelin n’était pas à la hauteur des événements : c’était un militaire du passé adepte de la défensive. Il était également au courant du plan d’invasion de la France par les Ardennes mais il n’y a pas vraiment cru et c’est ainsi que le côté de la frontière belge (vers Sedan !) n’a pas été renforcé.
En conclusion, l’attitude francophobe du mouvement flamand a favorisé la débâcle de mai 40. Sans pour autant dédouaner le manque de vision stratégique d’une grande partie du haut commandement français.
De nos jours, le mouvement flamand qui, par le biais de de la N-VA et du Vlaams Belang est proche de la majorité en sièges, est toujours aussi francophobe.
Le pire qui puisse se produire pour lui consisterait en un rapprochement concret de la Wallonie et de la France : le rapport de force que les Flamands pratiquent aujourd’hui non sans un certain cynisme serait totalement inversé.
Source principale : article de José Fontaine publié dans la revue Toudi et Wikipédia