La maladroite Annelies Verlinden (CD&V), la ministre de l’Intérieur qui est aussi en charge des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique (sic), a développé à l’Université de Gand l’idée d’une Belgique à quatre régions. En réalité, deux entités et deux sous-entités.
Cette façon d’envisager les choses plaît surtout aux nationalistes flamands et probablement aux autres partis nordistes.
Il s’agirait donc d’instituer une Belgique à quatre régions complètement autonomes tout en conservant la marque non déposée « Belgium » ou la « Belgique, coquille vide », pour le plus grand plaisir des innocents belgicistes.
Annelies Verlinden ne fait donc que répéter une certitude : la Flandre voit l’avenir d’un État qu’elle déteste depuis longtemps se réduire à deux grandes régions, la Wallonie et la Flandre, et deux sous-régions : Bruxelles, capitale d’une Flandre qui l’a enclavée de façon illégale (scission de BHV), et la communauté germanophone.
Si cet objectif devait prendre corps lors de la septième réforme d’un État irréformable, la Flandre mettrait Bruxelles sous tutelle tout en escomptant le désintérêt des régionalistes wallons dont la capitale n’est pas Bruxelles mais bien Namur.
Ainsi, elle profiterait de l’occasion – l’occasion fait le larron ! – pour acheter l’adhésion des Bruxellois à son projet d’une Flandre autonome, avec Bruxelles comme capitale. Comment ? Grâce à des avantages octroyés aux Bruxellois dans des matières comme les soins de santé, l’enseignement, la culture, etc. Mais cette proposition malhonnête de la Flandre ne tient nullement compte de « l’identité » que les Bruxellois se sont forgée depuis quelques années. A tort ou à raison, les Bruxellois prennent leurs distances aussi bien par rapport à la Flandre que la Wallonie. Beaucoup d’entre eux rêvent d’une ville-État, que les Flamands n’accepteront pas facilement, ou d’un district européen en tant que siège de l’UE quelle que soit la difficulté institutionnelle de l’entreprise.
Parallèlement, la Flandre toujours gagnante dans la proposition de Verlinden renforcerait ses liens presque naturels avec la prospère Communauté germanophone. Il est à remarquer ici que les régionalistes wallons lâchent leurs voisins de l’Est dans la mesure où un sondage pas si lointain montrait que seulement 44% des germanophones souhaitaient leur détachement de la Région wallonne et une complète autonomie.
Quels seraient les avantages de la Wallonie dans la perspective de cette Belgique rêvée par le monde politique et économique flamand. Aucun si l’on tient compte de la fin des transferts financiers vers la Wallonie programmée par la Flandre en 2025. Il convient de remarquer que les transferts entre l’Île-de-France et le Languedoc-Roussillon sont nettement plus importants qu’entre nos deux régions. Sans que le peuple se plaigne puisque que la France, contrairement au Belgium, est un véritable État-nation solidaire. Même situation dans les Lander allemands.
Quant à la Fédération Wallonie-Bruxelles qui entraîne à chaque réforme de l’État des régionalisations importantes et des pertes de droits démocratiques (BHV, parité des ministres au gouvernement bruxellois, etc.) en échange de moyens financiers, il n’est pas stupide de penser que l’enseignement pourrait être géré par les régions. Dans ce cas, seule la culture relèverait de la compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour autant que cette dernière, complètement « bruxellisée » de l’intérieur (c’est le cas de le dire), ne privilégie pas le secteur culturel de la capitale au détriment de son alter ego wallon. Ce qui est le cas aujourd’hui.
Enfin, pour les plus craintifs ou les plus naïfs qui pensent que la Flandre prendra son indépendance à court ou moyen terme, ils se mettent le doigt dans l’œil. L’exemple catalan lui a servi de leçon. Dès lors, comme elle le fait depuis des décennies, elle continuera à régenter, voire siphonner ce qu’il reste d’État belge. Notamment des compétences régaliennes comme la fiscalité et la justice qui se trouvent depuis longtemps dans sa ligne de mire.
Dans ce dossier d’une rare complexité, il faut rappeler qu’une Wallonie complètement autonome et coupée de Bruxelles connaîtrait, à cause d’une dette « souveraine » abyssale, un scénario à la grecque et de violentes émeutes sociales d’autant plus que le PTB a le vent en poupe. Certains spécialistes estiment que le Wallon, citoyen de cet État croupion, perdrait de 15 à 20% de son pouvoir d’achat !
Rappelons que l’utilisation du mot « confédéralisme » est un oxymore, une contorsion acrobatique. En effet, le confédéralisme présuppose la mise en commun par des États indépendants de certaines compétences. Ce n’est évidemment pas le cas dans ce projet initié par le mouvement flamand. Certains intellectuels francophones l’utilisent à qui mieux mieux pour complaire à leurs « amis nordiste » mais aussi pour conserver l’appellation « Belgique », en grande partie pour des raisons d’ordre purement sentimental.
En conclusion, il n’y a qu’une seule solution viable pour les Wallons : préparer dès aujourd’hui le Plan F comme France.
Analyse du banquier Alain Siaens (2017)
Article dans le Trends (2016) et analyse de Jules Gazon, professeur émérite de l’ULG