Insolite : le Premier ministre Alexander De Croo, l’homme qui a débranché la prise du gouvernement Leterme en 2010 pour forcer la scission de BHV (district de Bruxelles–Hal-Vilvorde), soi-disant pour simplifier la situation, mais surtout pour contenir l’expansion de l’usage du français dans la périphérie bruxelloise, en appelle aujourd’hui à la « solidarité nationale » pour lutter contre la pandémie.
C’est le moment de relire en tout ou en partie la carte blanche du professeur à l’Ulg Geoffrey Geuens publiée dans Le Vif du 6 octobre dernier :
Premier ministre aussi en charge du Budget, Alexander De Croo (Open Vld) a été avant d’être en politique dans les affaires. Lorsqu’il fonde sa boîte de conseil en propriété intellectuelle (Darts-ip), au milieu des années 2000, c’est en compagnie notamment du Baron Evrard van Zuylen et d’Arnaud van Wyck. Le premier est administrateur de la multinationale belge SCR-Sibelco, propriété de la 6e plus riche famille belge (Emsens – 3,3 milliards, selon le site derijkstebelgen). Le second, passé par Lehman Brothers, a lui épousé la fille du Chevalier de Selliers, un gros actionnaire de Solvay et d’AB InBev. Quelques années plus tard, c’est le fils de Jacques van Rijckevorsel – ex-haut dirigeant de Solvay (famille Janssen, 9e fortune – 3,1 milliard) et ex-président du lobby Plastics Europe – qui les rejoindra au sein de Darts-ip.
Notre nouveau Premier ministre est, on le sait, le fils d’Herman De Croo, lequel a été ministre dans les années 1980 mais a aussi été administrateur pendant 37 ans (1981-2018) de Texaf, une holding financière contrôlée par Philippe Croonenberghs (fortune estimée à 88 millions) et le CCM Trust basé aux îles Cayman. Le vice-président de Texaf est le Baron Dominique Moorkens (50 millions), propriétaire d’Alcopa (import Hyundai, Suzuki, Mitsubishi) et administrateur du groupe Carmeuse de la famille Collinet (18e fortune belge – 1,5 milliard). La famille De Croo entretient donc des relations suivies avec quelques-unes des plus grandes fortunes belges, ce qui explique sans doute sa résistance farouche à imposer toute forme d’impôt sur la fortune.
La nouvelle secrétaire d’État au Budget Eva De Bleeker (Open Vld), qui seconde en la matière notre Premier ministre, a été pour sa part manager « Economic Affairs » de la Confédération des industries agro-alimentaires de l’U.E. (FoodDrink Europe), un puissant lobby représentant les intérêts de multinationales actives dans l’agro-alimentaire (AB InBev, Coca, Nestlé, Pepsi, Kellogg’s…) et la privatisation des semences (Cargill, DuPont).