« Nous devons retourner dans les années 1920 », explique Maarten Reijnders, 42 ans, journaliste hollandais. « Léopoldville, l’actuelle Kinshasa, était la capitale du Congo belge. Les forces coloniales ont envoyé des milliers d’hommes pour y travailler. Les Congolais devaient laisser leurs femmes à la maison. Résultat, il y avait trois fois plus d’hommes que de femmes dans la ville. Ces hommes recherchaient du réconfort auprès de prostituées. Les très fréquents changements de partenaires ont provoqué une explosion de maladies sexuelles transmissibles. Pas seulement des maladies comme la syphilis mais il apparaît que durant ces années-là le premier foyer de sida s’est déclaré. »
Un virus, transmis par le singe, dont on ne savait rien à l’époque.
Mais les Belges n’ont pas fait grand-chose pour éradiquer les maladies vénériennes. Lorsqu’ils le firent, ce fut bien plus tard dans les années 50 et dans de mauvaises conditions sanitaires. Les patients congolais qui se présentaient reçurent des dizaines d’injections avec des aiguilles non stérilisées.
« Les Belges portent l’entière responsabilité d’avoir fait du sida une épidémie mondiale », estime Maarten Reijnders. « Il est un fait qu’ils n’ont pas réagi dans les années 20 et lorsqu’ils ont pris des mesures trente ans plus tard, ils ont utilisé des aiguilles non stérilisées alors que tout le monde savait déjà qu’elles devaient être stérilisées. »
Tout de même, peut-on blâmer les Belges d’avoir causé une épidémie mondiale qui ne s’est déclarée que dans les années 80 ? « Les Belges n’ont jamais fait d’effort pour former une élite congolaise. Du coup après l’indépendance, ce sont des Haïtiens qui ont été appelés au Congo pour mettre sur pied un appareil administratif. Ils furent à leur tour contaminés par le sida et ont ramené le virus chez eux.
De Haïti, le virus est alors passé aux États-Unis. « Ce n’était pas l’intention des Belges de provoquer une épidémie mondiale. Comment l’auraient-ils pu ? Jusque dans les années 70, personne n’était au courant de l’existence du virus. Mais sa propagation est une conséquence de leur politique de santé. C’est de cela que parle mon livre. »