Dès les années 1990, trois hommes politiques, qui pesèrent sur les scènes belge et wallonne, avaient pris conscience de la qualité et de l’utilité de la proximité de la Wallonie avec la France. Guy Spitaels et Robert Collignon présidèrent le Gouvernement de Namur et Jean Gol fut vice-premier ministre fédéral. Le premier avait plaidé pour l’établissement de « liens privilégiés » avec le voisin du sud, et le deuxième s’exprima à plusieurs reprises en faveur d’une union avec la France, dans des conditions à définir, en cas d’éclatement de la Belgique, car « nous ne pourrions demeurer esseulés ». Le troisième, éclairé par le virage autonomiste des libéraux flamands, avait lancé le concept de « nation francophone » pour désigner l’entité wallo-bruxelloise qu’il voyait réunie un jour à la République française.
Aujourd’hui, devant la montée en puissance des revendications flamandes, on mesure de mieux en mieux les conséquences de la faiblesse francophone dans un contexte de crise économique persistante qui frappe surtout l’Europe et ses régions les plus fragiles. Les plans B, confédéralistes ou indépendantistes, n’écartent pas les incertitudes et les appauvrissements que redoute notre population, ils y conduisent. D’où l’intérêt de la solution française.
En devenant citoyens wallons de France ou français de Wallonie, nous retrouverons l’encadrement politique et la stabilité institutionnelle que l’État belge dominé par la Flandre n’est plus capable de procurer. En changeant de carte d’identité, les Wallons ne changeront pas d’identité ni de société, ni de culture politique. Ils adhéreront à d’autres pratiques, à un régime dont certaines règles de fonctionnement seront nouvelles pour eux : élection du chef de l’État au suffrage universel, système électoral majoritaire à deux tours, alternance dans l’accès au pouvoir, referendum inscrit dans la Constitution…
La Wallonie deviendra une grande région de France dans un pays qui se régionalise et se décentralise sans perdre les atouts d’un État actif, solidaire et respecté. Des régimes particuliers pourront être négociés pour des matières déterminées, comme il en existe dans divers départements et territoires en métropole (cf. le statut de l’Alsace-Moselle) comme en Outre-Mer. La région et les départements wallons bénéficieront des transferts financiers que la France, comme la plupart des autres Etats européens, met en œuvre.
L’insertion de la Wallonie dans les institutions et dans la vie politique française réveillera la démocratie, la citoyenneté et l’esprit critique. Si les Wallons et les Bruxellois s’intéressent encore à la politique, on le doit pour une bonne mesure aux débats organisés par les grandes chaînes de télévision françaises pendant et en dehors des périodes électorales.
En raison d’une connivence linguistique, culturelle, idéologique, le téléspectateur francophone de chez nous fait souvent mieux que regarder : il participe, il prend parti. Attitude contrastant avec le sentiment de routine qu’il éprouve devant le spectacle anesthésiant de nos campagnes électorales aux enjeux peu clairs ou peu exaltants et de nos médias aseptisés. Incontestablement, une réunion à la France redonnera du souffle à notre démocratie assoupie, recréera un espace politique et fera émerger de nouveaux projets de société.
De même, elle permettra une défense plus efficace de notre langue commune.
Dans la réalité quotidienne, les échanges commerciaux, touristiques, matrimoniaux se multiplient. Et l’intégration s’accomplit comme une évidence tout au long d’une frontière franco-wallonne qui n’a jamais séparé parce que de part et d’autre les noms de famille sont les mêmes et que les noms des villages et des rivières font entendre la même musique. Similitude étroite aussi à travers l’Histoire, les guerres, les crises économiques et sociales, les combats politiques, les immigrations identiques, italiennes et polonaises dans nos bassins charbonniers, par exemple.
Le grand atout de la Wallonie française, c’est que notre population aura l’assurance de conserver une sécurité économique et sociale, des soins de santé, des pensions, et des services divers – similaires, voire supérieurs à ceux dont ils bénéficient en Belgique.
Loin de nous tout réunionisme naïf, idéaliste ou émotionnel. Nous ne serons jamais de ceux qui disent que la France est une panacée pour résoudre tous nos problèmes. Cependant, qu’il se lève celui qui peut proposer mieux que l’intégration à la France. Pour notre part, nous nous appuyons sur une vision et une analyse des réalités politiques, économiques, financières et monétaires, et des rapports de force au sein des espaces belge et européen, pour conclure au bien-fondé de la solution française.
Déjà les très nombreux intérêts industriels, financiers et commerciaux de la France en Wallonie ont tissé des liens préparatoires à un mariage politique. Demain, l’avenir économique de la Wallonie sera stimulé s’il s’inscrit pleinement dans l’espace français, avec le marché qu’il représente, et avec sa politique industrielle et de recherche, ses commandes publiques, ses technologies avancées.
Il ne faut pas perdre de vue que la France, comme puissance économique, occupe le cinquième rang mondial (2016, après le Brexit). Comme puissance diplomatique, culturelle et militaire, elle est présente sur la scène internationale. Elle joue un rôle central dans l’Union européenne, avec l’Allemagne. Elle est l’un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Et son niveau ainsi que son art de vivre en feront toujours un pays attractif.
Sans doute, les Wallons respirent-ils bien chez eux, mais ils existent mieux quand ils dépassent leurs frontières. De nos jours encore, en ouvrant ses portes et son marché à nos artistes, acteurs, chanteurs, cinéastes, la France augmente leur notoriété et leurs succès. Langue, culture, valeurs : la Wallonie procède de la France et la France en retour s’enrichit des apports wallons. Comme les Bretons ou les Bourguignons, les Wallons conserveront leur identité régionale et leurs traditions.
A côté des bénéfices d’ordre économique, social et culturel qu’elle nous donnera, la réunion à la France offrira un autre et ultime avantage : celui de nous dispenser des démarches diplomatiques qui eussent été nécessaires pour obtenir la reconnaissance d’un Etat wallon indépendant et son admission à siéger à l’Union européenne, aux Nations Unies et dans les autres organisations internationales. Lorsqu’un Etat absorbe ou s’élargit à un autre territoire – ce sera le cas de l’État français – il n’a pas à se soumettre à des formalités nouvelles d’admission au sein d’une organisation dont il était déjà membre.