La crise catalane illustre à souhait les contradictions d’une Union européenne qui s’est toujours rêvée postnationale aux dépens des Etats-nations qui seraient à l’origine de tous les maux de l’Histoire récente.
Les origines de la crise catalane sont multiples. Enumérons-en quelques-unes :
– une politique d’austérité sans précédent depuis 2011 suite à la crise bancaire mondiale et des affaires courantes durant 315 jours, pour cause de formation d’un gouvernement, expédiées depuis Madrid sans concertation avec les régions.
– un système de partis vivant en monde clos : ils n’ont de compte à rendre à personne, les députés se cooptant mutuellement. On rappellera ici les 43 millions d’euros détournés par le PP (Parti Populaire) du Premier ministre Rajoy (à noter que la Catalogne ne fut pas en reste dans ce domaine avec l’ancien président Artur Mas).
– le poids de l’histoire : la guerre civile espagnole et la répression franquiste ont laissé des traces dans la mémoire collective catalane.
– Madrid est toujours perçu comme le sanctuaire du roi, de l’église et des puissants, ces propriétaires fonciers qui bénéficient de la majeure partie des aides européennes .
D’une façon plus générale, la Constitution espagnole, adoptée quelques années après la mort de Franco, n’a pas évolué depuis 1978. Peu à peu, cette loi fondamentale a perdu le contact avec les réalités de la société qu’elle était censée structurer.
Il faut savoir qu’en 1931, la Catalogne a déclaré son indépendance suite à des élections légales. Seule la sanglante victoire de Franco y mettra un terme. A la mort du dictateur, la Catalogne estime non sans raison que le régime choisi en 1931 a conservé toute sa valeur légale puisque seul un coup d’État l’avait aboli. Pour apaiser les Catalans, Madrid leur propose en 2006 un statut d’autonomie qui leur permettrait entre autres de développer un droit civil propre (note : le Pays Basque jouit d’une plus grande autonomie que la Catalogne !).
Tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des châteaux en Espagne sans le coup de théâtre de 2010 : le Tribunal constitutionnel à la botte du PP et de son substrat franquiste abat ce château de cartes d’une simple chiquenaude.
En 2014, la droite catalane d’Artur Mas imagine un référendum pour masquer ses propres affaires de corruption, mais aussi pour renégocier le statut d’autonomie envisagé en 2010 par Madrid.
En 2015, la gauche indépendantiste catalane prend le pouvoir. Encore plus sensible que la droite aux idées républicaines et autonomistes, elle remet la question de l’indépendance sur le tapis. Il faut préciser qu’elle ne croit plus aux promesses de Madrid portant sur une quelconque autonomie et que l’état de son économie laisse augurer un avenir prospère, loin de Madrid et de ses fastes.
Le référendum est donc fixé au 1er octobre. Mais pour la circonstance l’Espagne se conduira comme un taureau dans un magasin de porcelaines. D’abord, en refusant la tenue d’un référendum qui n’aurait probablement pas accouché d’une majorité en faveur de l’indépendance (comme ce fut le cas de l’Ecosse), ensuite en réprimant brutalement une population qui manifestait pacifiquement pour revendiquer un droit fondamental, le droit à l’autodétermination des peuples, enfin en arrêtant les principaux dirigeants indépendantistes.
Notre propos ne consiste pas à nous prononcer sur la stratégie aléatoire, voire hasardeuse, du gouvernement de Carles Puigdemont.
Il convient d’insister ici sur les contradictions de l’Union européenne. Ce magma bureaucratique, que n’aurait pas renié la défunte Union soviétique, s’est construit contre l’idée de l’État-nation. Et voilà que suite à la crise catalane, l’Union européenne se fait le défenseur sans nuance de l’intégrité du Royaume d’Espagne. Pourtant, la Catalogne ne fait que suivre le chemin emprunté par le Kosovo. Rappelons qu’en 2008, des pays comme la France et les Etats-Unis (excusez du peu!) ont reconnu la sécession du Kosovo de la Serbie. Il existe un cas encore plus interpellant, celui de la Slovénie, membre actuel de l’Union européenne. En 1991, la Slovénie déclare son indépendance avant de la suspendre pour entamer des négociations avec Belgrade. La Catalogne n’a pas agi autrement.
Aujourd’hui, l’Europe selon Juncker semble s’asseoir sur un principe fondamental : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, un principe issu du droit international selon lequel chaque peuple dispose d’un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère.
Par son attitude, l’Union européenne révèle un visage profondément antidémocratique. Cette Europe-là aurait-elle accepté l’indépendance de la Belgique en 1830, de l’Italie, de la Pologne et de tant d’autres peuples ? Il est permis d’en douter…
Note : chez nous, il n’y a qu’un Etat-nation : la Flandre (et son satellite l’Etat belge).