C’est une malheureuse tradition : dès qu’ils ont quitté le monde politique, de nombreux mandataires se découvrent une sensibilité rattachiste, comme c’est le cas de Pierre Hazette.
Nous ne citerons pas de noms tant ils sont nombreux…
Discours de l’ancien Ministre Pierre Hazette (MR) lors d’une conférence de presse de l’A.W.F. intitulé « Une patience ardente ».
J’emprunte l’oxymoron de ce titre à Arthur Rimbaud et je me justifie.
Après plus de cinquante ans de militantisme politique, d’action parlementaire et d’exercice de responsabilités gouvernementales, je me trouve dans l’impossibilité de répondre à la question toute simple : « Que se passera-t-il après le scrutin de mai en Belgique ? »
Le destin du pays est incertain. Si le nationalisme triomphe en Flandre, la déchirure s’aggravera sans doute mais le tempo, qui pourrait conduire à l’indépendance de la Flandre, est impossible à prévoir. Si les démocrates chrétiens et les libéraux peuvent maintenir les nationalistes dans l’opposition, ils proposeront un programme gouvernemental qui ne s’éloignera pas de la résolution votée en 1999 par le parlement flamand. La différence ne sera pas ce que les francophones pourraient espérer.
Le destin de la Wallonie est un peu plus prévisible : dès l’an prochain, les problèmes budgétaires vont prendre une acuité impressionnante. Résumons-les : plus de compétences à exercer et moins de moyens à leur consacrer. Quand on sait que les Wallons ont dû puiser dans leurs ressources, manifestement surestimées, pour que la Communauté des francophones, en 2014, puisse affronter ses obligations en matière d’enseignement, quand on voit s’accumuler les dossiers de constructions scolaires, d’équipement des écoles et de rémunération du corps enseignant, on est en droit de se demander si les citoyens de la Belgique francophone sauront de manière claire quel avenir le scrutin leur dessinera.
Je n’ai, donc, pour ma part, qu’une certitude : la Wallonie sortira plus pauvre de la réforme de l’État.
Et les Wallons seront déçus par un État qui, tout doucement ou brutalement, les exclura.
Je conclus dès lors que les accords de coopération signés en 1999 et en 2004 par nos entités francophones avec la France doivent nous permettre de chercher dans les économies d’échelle les moyens d’atténuer les effets les plus pénibles de l’austérité (1).
Jusqu’à présent, rien n’est venu concrétiser ces accords bilatéraux.
Je préconise en conséquence que les partis francophones en compétition soient invités à livrer leurs propositions visant l’activation ce ces accords.
Ne nous leurrons pas : nul responsable politique d’un parti susceptible d’entrer dans une coalition gouvernementale n’ira au-delà de la réflexion que cette invitation suppose. N’allons donc pas nous exposer. Il ne faudrait pas que les partisans d’un adossement de la Wallonie à la France soient désavoués par un vote citoyen dont les contours ne seront pas précisés d’ici le 25 mai.
Patientons donc et contentons-nous de montrer la voie. Tout excès de passion se heurterait à la dernière digue que la Belgique, telle que la rêvent la plupart des francophones, dresse devant un déferlement, venu du nord, dont l’ampleur pourrait étonner.
Portons le message de la raison au sein des formations politiques dont nous nous sentons proches ; allons- y et parlons. Parlons avec patience et que notre ardeur nous inspire des paroles fortes mais dépourvues d’agressivité.
(1) Précisons quels sont ces accords avec la France auxquels Pierre Hazette fait allusion et dont très peu de Wallons et de Bruxellois connaissent l’existence.
Le premier est un accord de coopération linguistique, culturelle et scientifique entre la Communauté française de Belgique et la République française. Il fut signé en 1999 par William Ancion, Ministre des relations internationales, et Charles Josselin, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie.
Le second, signé en 2005 par Jean-Claude Van Cauwenberghe, Ministre-Président de la Région wallonne, et Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères de la République française, est un accord de coopération beaucoup plus vaste et ambitieux. Le champ d’application de cet accord bilatéral couvre, en effet, tous les champs de compétence de la Région wallonne, sans exception.
Cet accord bilatéral de coopération entre la République française et la Wallonie peut prendre les formes suivantes :
– échange permanent d’informations ;
– échange d’expériences et de personnes ;
– conclusions d’ententes sectorielles ;
– collaboration directe entre institutions diverses (chambres de commerce, universités, entreprises, associations, etc.) ;
– élaboration et réalisation de projets conjoints ;
– transfert réciproque de technologies et de savoir-faire ;
– organisation de rencontres professionnelles, séminaires, ateliers au bénéfice d’experts et de porteurs de projets ;
– réalisation d’études et d’expertises ;
– promotion réciproque de produits et de services ;
– promotion de partenariats inter-entreprises et création de sociétés mixtes.
Les parties veillent à établir toutes les synergies utiles, à utiliser toutes les possibilités offertes, notamment par l’Union européenne, pour participer ensemble à des programmes de développement ; elles se considèrent comme des partenaires privilégiés. Une Commission mixte permanente a été prévue, qui veille à la mise en œuvre de cette coopération.