Ensemble avec la France : la fin de l’enclavement, de nouvelles synergies

Dès les années 1990, trois hommes politiques, qui pesèrent sur les scènes belge et wallonne, avaient pris conscience de la qualité et de l’utilité de la proximité de la Wallonie avec la France. Guy Spitaels et Robert Collignon présidèrent le Gouvernement de Namur et Jean Gol fut vice-premier ministre fédéral. Le premier avait plaidé pour l’établissement de « liens privilégiés » avec le voisin du sud, et le deuxième s’exprima à plusieurs reprises en faveur d’une union avec la France, dans des conditions à définir, en cas d’éclatement de la Belgique, car « nous ne pourrions demeurer esseulés ». Le troisième, éclairé par le virage autonomiste des libéraux flamands, avait lancé le concept de « nation francophone » pour désigner l’entité wallo-bruxelloise qu’il voyait réunie un jour à la République française.
En réalité, ces personnalités ne faisaient que renouer avec un courant francophile constamment présent dans le Mouvement wallon depuis l’entre-deux-guerres et qui fut représenté, notamment, par des élus tels que Georges Truffaut, Simon Paque, Fernand Massart, François Perin, Lucien Outers, Marcel et Lise Thiry…

Aujourd’hui, devant la montée en puissance des revendications flamandes, on mesure de mieux en mieux les conséquences de la faiblesse francophone dans un contexte de crise économique persistante qui frappe surtout l’Europe et ses régions les plus fragiles. Les plans B, confédéralistes ou indépendantistes, n’écartent pas les incertitudes et les appauvrissements que redoute notre population, ils y conduisent. D’où l’intérêt de la solution française.
En devenant citoyens wallons de France ou français de Wallonie, nous retrouverons l’encadrement politique et la stabilité institutionnelle que l’État belge n’est plus capable de procurer. En changeant de carte d’identité, les Wallons ne changeront pas d’identité ni de société, ni de culture politique. Ils adhéreront à d’autres pratiques, à un régime dont certaines règles de fonctionnement seront nouvelles pour eux : élection du chef de l’État au suffrage universel, système électoral majoritaire à deux tours, alternance dans l’accès au pouvoir, referendum… Mais les valeurs démocratiques auxquelles ils tiennent seront toujours présentes.

La Wallonie deviendra une grande région de France dans un pays qui se régionalise et se décentralise sans perdre les atouts d’un État actif, solidaire et respecté. Des régimes particuliers pourront être négociés pour des matières déterminées, comme il en existe dans divers départements et territoires en métropole comme en Outre-Mer. La région et les départements wallons bénéficieront des transferts financiers que la France, comme la plupart des autres Etats européens, met en œuvre.
L’insertion de la Wallonie dans les institutions et dans la vie politique française réveillera la démocratie, la citoyenneté et l’esprit critique. Si les Wallons et les Bruxellois s’intéressent encore à la politique, on le doit pour une bonne mesure aux débats organisés par les grandes chaînes de télévision françaises pendant et en dehors des périodes électorales.
En raison d’une connivence linguistique, culturelle, idéologique, le téléspectateur francophone de chez nous fait souvent mieux que regarder : il participe, il prend parti. Attitude contrastant avec le sentiment de routine qu’il éprouve devant le spectacle anesthésiant de nos campagnes électorales aux enjeux peu clairs ou peu exaltants. Incontestablement, une réunion à la France redonnera du souffle à notre démocratie assoupie, recréera un espace politique et fera émerger de nouveaux projets de société. Et elle permettra une défense plus efficace de notre langue commune.

Il n’y a pas que le TGV Bruxelles-Paris – quatre-vingt cinq minutes – qui rapproche. Dans la réalité quotidienne, les échanges commerciaux, touristiques, matrimoniaux se multiplient. Et l’intégration s’accomplit comme une évidence tout au long d’une frontière franco-wallonne qui n’a jamais séparé parce que de part et d’autre les noms de famille sont les mêmes et que les noms des villages et des rivières font entendre la même musique. Similitude étroite aussi à travers l’Histoire, les guerres, les crises économiques et sociales, les combats politiques, les immigrations identiques, italiennes et polonaises dans nos bassins charbonniers, par exemple. Le sport aussi est de la partie : les clubs de football de Lens ou de Sedan comptent des milliers de supporters wallons… La réunion de la Wallonie à la France consacrera une unité sociale et culturelle déjà visible sur le terrain.
Le grand atout de la Wallonie française, c’est que notre population aura l’assurance de conserver une sécurité économique et sociale, des soins de santé, des pensions, et des services divers – similaires, voire supérieurs à ceux dont ils bénéficient en Belgique. On soulignera l’excellence de la politique de santé française, notée comme l’une des plus performantes par l’organisation Mondiale de la Santé (OMS). La couverture du chômage est parfois évoquée dans une de ses dimensions moins favorable, celle qui limite les prestations dans le temps. Le système français est toutefois compensé par le revenu de solidarité active (RSA), par une meilleure formation professionnelle et un meilleur suivi de la remise au travail, et par des taux dit d’indemnisation pouvant atteindre 75% du dernier salaire contre 60% en Belgique.
En tout état de cause, c’est la globalité des mécanismes de protection sociale qu’il faut prendre en considération. On doit aussi savoir qu’en cas de succession d’État, l’ensemble des obligations contractuelles de l’ancien pays sont endossées par l’État continuateur, comme par exemple le versement des retraites qui relevaient de l’ancien État belge.

Qu’on ne se méprenne pas : la Belgique n’est pas le « paradis terrestre » que l’on dit, tout particulièrement dans le domaine de la fiscalité directe sur les petits et moyens revenus. Les prélèvements sont d’une lourdeur exceptionnelle chez nous, et beaucoup plus légers en France où plus de la moitié de la population échappe à l’impôt sur les personnes physiques.
Un petit revenu de 10.000 euros sera taxé à 6,83% en France, à 30% en Belgique ; et de 20.000 euros, respectivement à 19,14% et 40%.
Considérons la situation d’un couple, dont les deux conjoints travaillent et qui ont deux enfants. Ils gagnent ensemble 5.000 euros bruts par mois, soit 60.000 au terme d’une année. Après prélèvements des cotisations sociales et de l’impôt et l’application du quotient familial, le fisc français laissera au couple 44.485 euros, soit 3.708 par mois. En Belgique, pour un même revenu, il ne restera en fin de compte au ménage qu’un solde net de 37.795 euros par an ou 3.150 mensuels. L’écart est de 558 euros…
Les retraites, elles aussi, sont plus intéressantes en France. Les pensions légales belges sont parmi les plus basses d’Europe. Le taux de remplacement – le rapport entre la première pension et le dernier salaire – s’élève à 80% en France et 67% en Belgique.
La durée moyenne de la retraite est pour les hommes de 15,5 années en Belgique et de 20 années en France ; pour les femmes, elle dure respectivement 21,2 et 25,2 ans. D’un côté, le pouvoir tente d’anticiper et de garantir l’avenir, ici c’est l’inaction. La question se pose aujourd’hui ouvertement : la Belgique sera-t-elle en mesure de payer les pensions dans deux décennies ? Depuis 2006, le Fonds de vieillissement n’a plus été alimenté.

La population frontalière wallonne sait que les prix à la consommation sont souventplus avantageux en France. Le CRIOC, en juillet 2010, calculait une différence de 12%. Explication d’un expert de la grande distribution : « Nous sommes un petit pays : pour un marché de 10 millions d’individus, les coûts de production et de personnel sont beaucoup plus élevés que pour un marché de 60 millions. C’est vrai que ces derniers mois, les prix belges ont énormément augmenté pour atteindre des hauteurs hallucinantes. Mais dès avant cette hausse, il était déjà notoire que nous étions plus chers que nos voisins. »
Cela signifie qu’une Wallonie réunie à la France bénéficiera de ce grand marché devenu intérieur.
Parmi divers autres avantages, il faut rappeler que la France ne prélève pas de taxe de circulation, que les tarifs de l’électricité, à usage domestique ou industriel, y sont plus modérés en raison d’un niveau de TVA à 5.5%. Les politiques familiale, culturelle et sportive sont plus ambitieuses et plus généreuses dans l’Hexagone. De même que les allocations de rentrée scolaire ou les congés de maternité. Il y a 20 jours de congés légaux en Belgique et 25 en France, et respectivement 10 et 11 jours fériés. Au total, un salarié français profitera de 36 jours de congés contre 30 pour son collègue wallon, soit une semaine en plus.

Loin de nous tout réunionisme naïf, idéaliste ou émotionnel. Nous ne serons jamais de ceux qui disent que la France est une panacée pour résoudre tous nos problèmes. Cependant, qu’il se lève celui qui peut proposer mieux que l’intégration à la France. Pour notre part, nous nous appuyons sur une vision et une analyse des réalités politiques, économiques, financières et monétaires, et des rapports de force au sein des espaces belge et européen, pour conclure au bien-fondé de la solution française.
Déjà les très nombreux intérêts industriels, financiers et commerciaux de la France en Wallonie ont tissé des liens préparatoires à un mariage politique. Demain, l’avenir économique de la Wallonie sera stimulé s’il s’inscrit pleinement dans l’espace français, avec le marché qu’il représente, et avec sa politique industrielle et de recherche, ses commandes publiques, ses technologies avancées.
Il ne faut pas perdre de vue que la France, comme puissance économique, occupe le cinquième rang mondial. Comme puissance diplomatique, culturelle et militaire, elle est présente sur la scène internationale. Elle joue un rôle central dans l’Union européenne, avec l’Allemagne. Elle est l’un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Son niveau et son art de vivre en font toujours un pays attractif. En 2007, son produit intérieur moyen par habitant était de 29.700 euros contre 22.600 en Wallonie…
La Wallonie a besoin de plus vastes horizons que les siens pour s’épanouir et rayonner. Depuis longtemps, les fils de ce vieux terroir se sont fait remarquer en Europe pour leurs créations industrielles et artistiques. Au 16ème siècle, un Louis de Geer développe la métallurgie en Suède. Sous Louis XIV, Rennequin Sualem, natif de Jemeppe-sur-Meuse, invente l’extraordinaire machine hydraulique de Marly qui élève les eaux de la Seine et alimente les somptueux bassins de Versailles. Récemment, la construction du superbe viaduc de Millau dans le sud de la France devait beaucoup au savoir-faire d’ingénieurs liégeois. Nés en Wallonie, des musiciens célèbres comme Roland de Lassus, Henri du Mont, François-Joseph Gossec ou André-Modeste Grétry ont enchanté Paris à leur époque et des écrivains de la taille d’un Prince de Ligne, d’un Henri Michaux ou d’un Simenon appartiennent au patrimoine littéraire français. « Respecte-le, c’est un Wallon ! », s’écrie l’un des personnages d’une pièce du poète allemand Schiller.
Sans doute, les Wallons respirent-ils bien chez eux, mais ils existent mieux quand ils dépassent leurs frontières. De nos jours encore, en ouvrant ses portes et son marché à nos artistes, acteurs, chanteurs, cinéastes, la France augmente leur notoriété et leurs succès. Langue, culture, valeurs : la Wallonie procède de la France et la France en retour s’enrichit des apports wallons. Tout avait été dit par Jules Destrée : « La Wallonie est un morceau de France. »
Le grand historien Michelet ne pensait pas autrement : « Quoi de plus français que ce pays wallon ? »
A côté des bénéfices d’ordre économique, social et culturel qu’elle nous donnera, la réunion à la France offrira un autre et ultime avantage : celui de nous dispenser des démarches diplomatiques qui eussent été nécessaires pour obtenir la reconnaissance d’un Etat « Wallonie-Bruxelles » et son admission à siéger à l’Union européenne, aux Nations Unies et dans les autres organisations internationales. Lorsqu’un Etat absorbe ou s’élargit à un autre territoire – ce sera le cas de l’État français – il n’a pas à se soumettre à des formalités nouvelles d’admission au sein d’une organisation dont il était déjà membre.
Quand l’Allemagne de l’Ouest a étendu sa juridiction à l’ex-République Démocratique allemande, elle s’est bornée à le notifier aux autres États et aux instances internationales.
Les Traités et accords qu’elle avait signés antérieurement avec ceux-ci se sont alors appliqués automatiquement aux nouveaux Länder.

Paul-Henry Gendebien

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